C’est en 2006 que Joyce N’sana, quitte le Congo pour des études supérieures en France avant de s’installer au Canada en 2009. Elle garde en mémoire le souvenir d’une enfance rythmée par la musique d’un père mélomane, guitariste et auteur-compositeur. C’est certainement de là que lui vient l’amour de la musique.
A la fin de ses études, son diplôme d’éducatrice à l’enfance en poche, elle fait face à une réalité jusque là contée par les migrant.e.s qui sont passé.e.s par ce chemin bien avant elle. «Après plusieurs envois, difficile de décrocher un premier entretien. C’est lorsque mon mari m’a recommandé de changer mon nom de jeune fille pour nom d’épouse, sur mes CV, que j’ai constaté un vrai changement. Le téléphone a commencé à sonner».
Prévenir le racisme dès le bas âge.
Dès ses premières rencontres avec les jeunes enfants qui lui sont confiés, âgés de 0 à 4 ans, Joyce réalise qu’elle a un rôle à jouer pour prévenir le racisme à un stade précoce. « J’ai cette chance de croiser leur route avant leur entrée à l’école. C’est donc en toute bienveillance, que je me suis attelée à les éduquer afin de déconstruire leurs imaginaires. Leur apprendre que le monde est vaste, qu’il existe d’autres réalités. » Pour eux, elle était une énigme, un mystère venu d’un ailleurs insoupçonné. En ouvrant ainsi leur regard sur les différences qui font le monde, elle était animée par la conviction que les changements puisent leurs racines dans les petits gestes du quotidien.
En devenant maman, à son tour, c’est la même approche qu’elle applique avec ses deux fils, aujourd’hui âgés de 8 et 7 ans. « Mon mari est québécois, nos deux garçons sont donc métis. A Sainte-Agathe, où nous vivions, nous représentions la diversité. »
Son art est également un moyen pour elle de transmettre à ses enfants une part de ses racines congolaises. « Ils m’accompagnent pendant mes concerts, montent quelques fois sur scène. Ils savent que je fais de la musique engagée, que c’est un moyen pour dénoncer les injustices. »
L’éducation comme rempart au racisme.
Elle choisi d’en parler très tôt à ses enfants. Espérant qu’en les outillant ainsi, ils pourraient répondre aux réflexions racistes. « Tu prépares tes enfants mais tu ne sais jamais jusqu’à quel point les autres peuvent aller, blessant profondément leur âme d’enfants ».
« C’est ce qui encourage la famille a déménagé à Montréal : « J’ai rapidement ressenti le besoin de rejoindre Montréal, là-bas au moins, j’avais la certitude qu’ils ne seraient plus les seuls « bruns » de l’école. Je reprends ici les mots prononcés par mon ainé à son petit-frère. Mots saisis à leur insu lorsque celui-ci tentait de le rassurer à la veille de sa première rentrée. »
Dès notre arrivée, j’ai tout de suite vu les changements. A l’école, ils côtoient d’autres enfants, de toutes origines. Cette richesse culturelle les épanouit profondément. Elle éveille leur curiosité, renforce leur fierté d’avoir eux aussi un métissage culturel qu’ils prennent plaisir à faire découvrir, à leurs camarades.
La Biblio afro jeunesse : faire découvrir des livres qui valorisent des personnages racisés.
Une rencontre va donner un autre tournant à l’expression de ses engagements. « Mon collègue Sébastien, papa québecois de deux enfants haitiens adoptés avec son épouse, était en quête d’outils pédagogiques pour leur transmettre cette part de leur histoire. »
C’est ainsi que la page instagram biblioafrojeunesse est née : des passionnés de littératures qui proposent des livres jeunesses portant principalement sur des thématiques avec des personnages racisés. Après une première publication en décembre 2019, le projet a rapidement pris son envol, comptant à ce jour 2 528 abonnés. L’équipe s’est également élargie : Nadège, orthophoniste, Clémence, documentaliste et Marjorie, avocate sont venues rejoindre Sébastien, le conseiller pédagogique et Joyce. Leurs parcours et origines différentes se retrouvent autour de leur amour commun pour le livre et son usage auprès des jeunes enfants dans leur cadre professionnel.
« Au début nous achetions les livres, rapidement les éditeurs.trices ont commencé à nous contacter pour nous envoyer des livres. C’est devenu une ressource aussi pour les librairies qui reconnaissaient leur manque de connaissance dans ce rayon. » Les premiers « testeurs » sont leurs enfants puis Joyce élargit son premier public à ses petits élèves. « Ma hiérarchie a tout de suite adhéré au projet. J’entrais ainsi dans les maisons. En éduquant les enfants, j’éduquais aussi les parents… »
Joyce N’sana s’invite sur la route de nos vacances par une sélection de livres. L’occasion de partager avec vos enfants des histoires de petits garçons et de petites filles auxquel.le.s ils.elles pourront s’identifier. Egalement, l’opportunité de s’offrir un voyage dans des enfances qui ne ressemblent pas à celles qui vous sont familières. Un nouveau chemin à parcourir pour permettre à vos enfants d’avancer aux côtés d’autres, quelles que soient les différences.
Tous les enfants du monde ont en commun leur curiosité et leur insouciance. Saisissons ces outils comme une chance pour bâtir une génération où l’égalité ne sera plus un idéal à atteindre mais une réalité à construire. Ensemble
